Mise en lumière: Projet SAMI — Un programme d’accompagnement peut améliorer la confiance et l’autonomie dans l’utilisation des transports en commun par les personnes ayant des limitations de mobilité

Un programme d’accompagnement peut améliorer la confiance et l’autonomie dans l’utilisation des transports en commun par les personnes ayant des limitations de mobilité

Par Gbètogo Maxime KIKI

Le transport en commun permet aux gens de se déplacer facilement et rapidement d’un endroit à l’autre dans leur communauté. L’autobus est une mode de transport écologique, économique et pratique par rapport à l’utilisation de voitures individuelles. Il est d’autant plus nécessaire lorsque d’autres moyens de transport sont inaccessibles ou indisponibles pour permettre aux personnes de se procurer les biens et services essentiels à leur subsistance et pour participer aux activités physiques et sociales. L’utilisation de l’autobus offre de nombreux avantages pour s’impliquer davantage dans sa communauté. En effet, grâce aux autobus, les gens peuvent facilement se déplacer et découvrir les différents quartiers de leur région et aller visiter leurs amis et leur famille. Cela leur permet de participer à des activités communautaires, d’assister à des évènements locaux (une visite de musée, des fêtes d’anniversaire, un concert…) et de rencontrer de nouvelles personnes. De plus, l’autobus favorise une mobilité durable en réduisant la congestion routière et les émissions de carbone. En utilisant l’autobus, les gens contribuent à créer des communautés plus dynamiques et interconnectées, où chacun peut jouer un rôle actif et s’engager pleinement.

Les personnes avec des limitations de la mobilité sont celles qui rencontrent des difficultés ou des restrictions dans leur déplacement du fait de problèmes physiques, tels que des blessures, des handicaps physiques, des maladies chroniques ou des conditions de santé qui réduisent leur capacité à se déplacer aisément comme marcher, se tenir debout, monter les escaliers ou utiliser les autobus. Ces personnes peuvent avoir besoin daides techniques, telles que des fauteuils roulants, des béquilles ou des cannes, ainsi que des adaptations ou de soutien pour accéder aux espaces publics et aux services de manière indépendante. Ces personnes rencontrent fréquemment des obstacles pour accéder aux autobus. Par exemple, elles affirment qu’elles n’utilisent pas l’autobus en raison de difficultés associées aux autobus eux-mêmes (y monter ou descendre; et même y circuler est souvent difficile), d’un manque de connaissances et d’expérience ainsi qu’en raison de considérations de sécurité vécues ou perçues (risque de chute, chauffeur qui démarre ou arrête trop vite) 1,2. Pour ces raisons, certaines personnes avec des limitations de la mobilité préfèrent s’en tenir au transport adapté. Cependant, plusieurs limites ont été signalées en ce qui concerne lutilisation du transport adapté. Par exemple, le transport adapté ne permet pas une flexibilité des horaires, mais demande un temps dattente avec des retards souvent non négligeables. Les gens ont besoin de planifier les voyages plusieurs heures à lavance (au moins 5heures) pour un rendez-vous d’une trentaine de minutes. Et le retour est d’autant plus important (environ deux heures d’attente)3,4. Ceci peut limiter la liberté et lautonomie des personnes et rendre difficile, voire impossible, la planification des déplacements spontanés. Les déplacements parfois annulés ou reportés occasionnant des frustrations pour les personnes qui ont des engagements ou qui préfèrent un moyen de transport plus rapide et plus fiable. Par conséquent, lamélioration des connaissances et des compétences en matière dutilisation d’autobus peut offrir aux personnes ayant des limitations de mobilité un mode de transport communautaire plus pratique, augmentant ainsi leur autonomie pour se déplacer. 

Pour faciliter l’utilisation d’autobus, le Réseau des transports de la Capitale (RTC) a créé en 2021, le service d’accompagnement en mobilité intégré (SAMI). Le SAMI est sous la forme d’une ressource dédiée à améliorer la compréhension et la satisfaction des usagers à l’endroit des services du TC et éventuellement à augmenter l’utilisation des services de transport en commun par les personnes ayant des limitations de mobilité5. Il comprend plusieurs services, dont un programme de formation à l’utilisation du transport en commun qui offre des services personnalisés et inclusifs permettant aux utilisateurs de se familiariser avec les modes de transports collectifs et alternatifs dans un endroit contrôlé et exempt de facteurs de stress externes6. En somme, le programme de formation du SAMI est un service qui vise à aider les usagers à mieux comprendre et utiliser le transport en commun pour favoriser une mobilité durable et pratique 7.

L’aménagement du local du SAMI respecte les principes de l’accessibilité universelle et regroupe plusieurs services du RTC. Cela comprend un centre d’information pour produire des cartes et vendre des titres, un bureau des objets perdus trouvés et le service du programme de formation à l’utilisation du transport en commun. Dans le local, on y trouve également un espace pour expérimenter le service de vélo en libre-service (à vélo), une maquette grandeur nature d’un autobus avec une rampe d’accès, un abribus avec des panneaux électriques et une annonce sonore, ainsi qu’un poteau d’arrêt avec un interrupteur pour les utilisateurs malvoyants. Il y a aussi des postes informatiques pour apprendre à planifier les trajets, etc. L’intérieur de l’autobus est identique à celui d’un véritable autobus, avec un espace pour les personnes en fauteuil roulant et des équipements accessibles à tous, tel que des boutons d’arrêt plus bas. Le programme de formation est offert gratuitement et vise à être inclusif tout en étant adapté aux besoins et au profil individuel de chaque participant, qu’ils aient ou non des problèmes de mobilité. La formation se déroule en deux phases, une phase théorique suivie d’une phase d’exercice simulée dans le grand hall avec la maquette d’autobus et l’abribus. À la fin de la première session, chaque participant reçoit une carte OPUS personnalisée avec 2 billets pour expérimenter le transport en commun en immersion réelle.

L’équipe de recherche a cherché à voir les effets du programme de formation sur la confiance, la mobilité dans la communauté et la satisfaction liée à l’accomplissement des objectifs personnels en rapport avec l’autobus pour les personnes ayant des limitations de mobilité ; et récapituler les suggestions qui pourraient améliorer le programme dans le but, de rendre l’utilisation des autobus plus facile pour ces personnes. En utilisant plusieurs approches de recherche, les chercheurs ont sélectionné douze personnes âgées d’au moins 30 ans, résidant à Québec et ayant des limitations de mobilité, mais qui sont capables de se déplacer avec une assistance technique ou non. Les participants sont recrutés en les choisissant dans des endroits où on pourrait les trouver (association de traumatisés craniocérébraux, résidences pour personnes âgées) et de bouche à oreille (d’une personne à une autre). Les personnes ayant des limitations de mobilité incluses dans l’étude ont été questionnées aux plus deux semaines avant et après le programme de formation avec des outils de mesures spécialisés. Après la formation, nous avons mené des entretiens où nous avons posé des questions ouvertes pour mieux comprendre l’expérience des participants et rapporter des suggestions pour améliorer le programme de formation. Actuellement, la phase pilote de l’étude tire à sa fin, et nous sommes en rédaction du manuscrit.

Les résultats préliminaires peuvent être résumés en trois parties. Tout d’abord, le programme de formation aide à renforcer la confiance, les compétences et l’autonomie dans l’utilisation des autobus. Bien que l’augmentation de la confiance à utiliser les autobus et de la satisfaction quant aux objectifs personnels ne soit pas statistiquement significative, les participants reconnaissent avoir acquis des compétences pour utiliser les autobus. Les participants soulignent qu’ils ont désormais confiance et se sentent autonomes pour prendre de manière indépendante les autobus. Par exemple, un participant, un homme de 50 ans qui utilisait occasionnellement les autobus et avait subi un traumatisme crânien et utilise une canne de marche a affirmé en parlant de ses camarades qui se sont sentis confiants à prendre l’autobus aussitôt après la formation : « Au lieu d’utiliser le transport adapté, elles avaient pris deux autobus, elles l’ont utilisé sans avoir à attendre une heure et demie, parce que le transport adapté, c’est planifié pour une heure. » (P2.)

De plus, les résultats du projet ont montré que le programme de formation a contribué à aider les participants à accomplir leurs tâches quotidiennes et leurs engagements sociaux liés à l’utilisation des autobus. Bien que l’augmentation de la mobilité des participants ne soit pas statistiquement significative, elle était suffisante pour permettre aux personnes ayant des limitations de mobilité d’élargir leur zone de déplacement et de se fixer plusieurs objectifs personnels à atteindre en utilisant les autobus, tels que faire du bénévolat, assister à des chorales, faire des courses ou rendre visite à leurs amis et familles. Ainsi, après la formation, les participants ont constaté une amélioration dans la réalisation de leurs activités quotidiennes et une plus grande facilité à assumer leurs rôles sociaux, un des participants, un homme âgé de 71 ans qui n’était pas utilisateur d’autobus, a subi plusieurs accidents vasculaires cérébraux et est utilisateur d’une canne de marche comme aide technique souligne, avait affirmé : « J’ai le goût d’aller prendre un café en ville, j’ai le gout d’aller à la bibliothèque, j’ai le goût de faire des choses, j’ai le gout de sortir. » (P1.)

Enfin, les participants ont partagé des propositions pour améliorer le programme de formation et les services offerts par RTC. Ils ont exprimé le souhait que RTC mette en place un moyen pour les rendre plus visibles aux conducteurs et aux autres clients. Certains ont proposé l’idée d’un macaron qu’ils pourraient porter afin d’être repéré plus facilement par les autres utilisateurs des services RTC. De plus, ils ont exprimé le désir d’avoir la possibilité d’être accompagné lors de leurs déplacements en autobus, ce qui les aiderait à se sentir plus rassuré et en sécurité. Les participants ont particulièrement insisté pour qu’une sortie accompagnée sur le réseau soit ajoutée à la formation, car cela leur permettrait de mettre en pratique les connaissances acquises comme l’a souligné le participant P1 : « Écoutez, on va faire un petit tour ensemble pendant une demi-journée. Donc, pas très court, assez long. On va faire un programme, on va faire un plan de route, on va s’arrêter, on va reprendre un autre autobus pour voir comment c’est, on va revenir au point de départ, on va tout faire ça ensemble. J’ai besoin juste d’un tuteur, c’est-à-dire, je fais des pas, et le tuteur, il me dit : “C’est bien !” ou “si on faisait comme ça, ça serait mieux.” Cette expérience pour l’instant pour moi, elle est comme la moitié. Je suis peut-être dur. C’est le point central qui n’est pas là. » (P1.)

Les personnes ayant des limitations de mobilité inscrite à l’étude ont aimé le programme de formation et ont réalisé son importance pour participer socialement. La formation du programme a également eu une influence sur leur confiance, leur mobilité et leurs habitudes de vie. Les participants ont donné des suggestions pour améliorer le programme de formation et les services RTC avec comme finalité l’amélioration de leur utilisation d’autobus. Il serait bon de prendre en compte ces suggestions afin de rendre le programme encore plus bénéfique pour ces personnes.

L’étude est à sa deuxième phase avec un étudiant au doctorat, Claudel Mwaka. Il est actuellement en phase de recruter de nouveaux participants ayant au moins 18 ans avec une incapacité, quel qu’il soit.

Références

  1. Bezyak, J. L., Sabella, S. A. & Gattis, R. H. Public Transportation: An Investigation of Barriers for People With Disabilities. Journal of Disability Policy Studies 28, 52–60 (2017).
  2. Williams, T. L., Smith, B. & Papathomas, A. The barriers, benefits and facilitators of leisure time physical activity among people with spinal cord injury: a meta-synthesis of qualitative findings. Health Psychol Rev 8, 404–425 (2014).
  3. Carmichael, S. Une mobilisation pour le transport adapté freinée par manque de transport. Le Soleil https://www.lesoleil.com/2022/09/07/une-mobilisation-pour-le-transport-adapte-freinee-par-manque-de-transport-51ccddfd10146a815d39694c5c0ad584 (2022).
  4. Carmichael, S. Le Service de transport adapté de la Capitale se dégrade, selon des usagers. Le Soleil https://www.lesoleil.com/2022/07/18/le-service-de-transport-adapte-de-la-capitale-se-degrade-selon-des-usagers-a982f9540881bf32182e4b1ec00f6292 (2022).
  5. SAMI : une nouvelle ressource pour les usagers du RTC. Le Journal de Québec https://www.journaldequebec.com/2021/07/19/sami-une-nouvelle-ressource-pour-les-usagers-du-rtc (2021).
  6. https://www.rtcquebec.ca/informations-pratiques/conseils/service-daccompagnement-en-mobilite-integree-sami. Service d’accompagnement en mobilité intégrée (SAMI) | RTC. https://www.rtcquebec.ca/informations-pratiques/conseils/service-daccompagnement-en-mobilite-integree-sami (2022).
  7. Cormorand, L. La place des mobilités actives en France au XXIe siècle : quels sont les enjeux des mobilités actives et comment les territoires peuvent-ils favoriser leur usage? Le cas du Pays Voironnais (Isère). (2022).